ŒUVRES


PRÉSENTATION

Le procedé

Anne Kuhn s’est penchée sur des héroïnes maltraitées de l’histoire de la littérature, sur celles qui se sont fourvoyées, sur les génies oubliés.

En deux photos juxtaposées, elle dépeint Emma Bovary, Lolita ou Thérèse Desqueyroux entre fiction et allégorie, associant leur histoire à un contexte plus contemporain. D’abord mises en scène telles qu’elle les imaginait à la lecture du roman, puis modifiant leur destinée pour s’interroger sur la liberté des femmes, et la sienne par la même occasion. Se posent instantanément nombre de questions… 

Anne Kuhn a majoritairement photographié ses héroïnes en clair-obscur, influencée par la peinture intimiste de Vermeer où souvent, au fond d’une pièce, éclairé d’une faible lueur provenant d’une source unique de lumière, le personnage semble occupé à une simple tâche avec la grâce d’une madone. On retrouve dans les mises en scènes présentées son goût pour l’art baroque italien où le nu est voluptueux, le geste maniéré, les décors contrastés et riches de drapés accrochant la lumière.

Le sens du travail 

Mettre en exergue ses propres pensées par ses actions artistiques : voici une expression des plus évidentes de la modernité de l’auteur. 

Les gestes qu'Anne Kuhn entreprend en aménageant les scènes de ses prises de vue, la lumière, les décors, les costumes, mais aussi l’acte de photographier même répondent à la nécessité autobiographique de ritualiser ses questionnements intérieurs. Cette pratique artistique a comme finalité de « recomposer » le récit de l’artiste et efface toute frontière entre sa vie et son travail.

C’est à cette démarche que l’artiste pousse son spectateur à se confronter et répondre. Tout le travail d’Anne semble vouloir saisir le secret de l'autre, et par l'autre, de soi-même. 

Dans la série Héroïnes, les sujets sont immergés dans une dimension sculpturale insaisissable proche de l’acte de peinture. Anne Kuhn nous révèle tout le potentiel somptueux de la photographie. Ses images nous donnent l'illusion du volume et de la plénitude, alors que les surfaces sont lisses et plates. Plongeant ses décors dans la lumière claire obscure du 17ème, elle offre aux contrastes de couleurs le rôle d’enquêter sur les personnages et de modeler les choses. Les œuvres deviennent alors les mises en scène de véritables drames.  

Le langage écrit fait partie intégrante du projet créatif d'Anne Kuhn et complète son œuvre. L'artiste alterne dans un balayage régulier image et texte.

L'artiste qui met en scène, l'actrice qui joue le personnage, le spectateur qui est appelé à répondre aux questions posées par l'œuvre : tous les protagonistes de cette construction mélangent constamment et inextricablement réalité et fiction.

C’est la victoire de la narration, car après l’observation de chaque diptyque, Anne nous confirme de te fabula narratur, c’est de toi que parle la fable.  

Le propos de l'artiste

Est-on jamais libre ?

Est-ce la petite fille livrée très tôt à elle-même qui se pose déjà la question ? Ou la jeune mère idéaliste prisonnière des tâches domestiques ? Ou encore l’adulte désormais consciente de sa part de responsabilité ?

La liberté est-elle relative à nos choix, nos erreurs, notre expérience ?

Je me suis adressée à d’autres femmes pour savoir ce qu’elles en pensaient.

En incarnant face à mon objectif des héroïnes de la littérature, elles ont pu y réfléchir et supposer qu’on ne naît pas libre, on le devient… ou pas.

Chaque diptyque a fait l’objet de nombreuses réflexions en amont. En effet, s’il est possible de réaliser le portrait d’un personnage de la littérature, que raconter au juste ? Il ne s’agissait pas uniquement de reproduire un tableau d’époque mais, par le moyen de deux photographies, de mener une réflexion exigeante, qui ait du sens et de la profondeur sur la possibilité ou non d’être libre, en gardant de surcroît un décor identique. Et puis cette question qui, perpétuellement, me tourmentait : Qu’ai-je l’intention de dire ?,  réclamant une réponse aussi cohérente qu’évidente. Les contraintes à observer, les résultats espérés, m’ont poussée à remiser plus d’une héroïne dans l’antichambre de mon boîtier Nikon. 

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